Myllénium alla boire de l'eau, puis me demanda ce que l'on faisait maintenant. Dans quelques heures, la sonnerie du Centre allait réveiller tout le monde et nous serions obliger de nous lever sans même avoir dormir...

Un gros silence régnait dans la chambre de Myllénium. Soudain, j'entendis un bruit, comme lorsqu'on déplace des choses. Je mis mon doigt sur ma bouche pour indiquer à la jeune fille de se taire et j'écoutais. Avait-elle entendu elle aussi ?
Les bruits recommencèrent. Je me leva doucement, et aussitôt Gerbay se réveilla :

<< Qu'est-ce qu'il se passe ? On va se coucher ? >>

Gerbay disait cela, mais il savait très bien que quelque chose d'autre se tramait.
J'allais vers la porte, en indiquant à Myllénium de me suivre. Qu'est-ce que c'était donc que tout ce bruit ?
Le problème, c'est que si on nous voyait, on irait immédiatement chercher un surveillant. Et celui-ci ne pourrait que croire la personne, bien que ce soit de moi que l'on parle...

J'ouvris doucement la porte...

Gerbay s'était transformé en papillon de nuit et volait vers le bruit. Il disparut un moment, pendant lequel je ne bougeais plus. J'entendis souvent sa pensée :

<< Ca va c'est rien. >>

<< Gerbay ? Reviens ici tout de suite ! Qui fait ces bruits ? >>

<< Banane, je suis sur ton épaule ! >>

Je sursauta. Je ne l'avais même pas vue ! J'avançais vers le bruit ; Gerbay ne m'avait toujours pas dit qui faisait tout ce vacarme...

<< C'est un prof'. >>

Il y avait un angle droit sur la droite, avant d'arriver aux bruits. Je passa la tête ; la lumière était allumée dans les couloir et un homme (visiblement un professeur) venait de se relever, sa sacoche à la main. Il avait dû faire tomber toutes ses affaires à terre ; quel pas doué celui-là !
Je ne le connaissais pas, un nouveau peut-être ?
Il avançait vers nous ; comprenant qu'il allait bientôt tourner vers nos chambres, je me retourna vivement, rentrant dans Myllénium. J'essayais alors de lui faire comprendre que l'homme arrivait, j'y renonça, la prit par la main et l'emmena en courant à petits pas dans sa chambre. Je referma la porte et posa un doigt sur ma bouche ; il ne fallait surtout pas faire de bruits sinon...

Alors que j'essayais de ne pas faire de bruits pour que l'homme ne nous remarque pas, Myllénium s'approcha de moi et me chuchota à l'oreille d'une voix inquiétée :

- Stiming' n'est plus dans la chambre ! Qu'est ce qu'on fait ?

Je me retins d'ouvrir grand les yeux. Il fallait garder son sang froid !
Par la pensée, je demanda à Gerbay de vérifier si Stiming n'était vraiment pas dans la chambre. Avec le peu de lumière, Myllénium pouvait se tromper ? Puis, je m'approcha d'elle, après avoir eu la confirmation par mon Eeluts que Stiming' n'était plus dans la chambre :

- Tu sais lui parler par la pensée...normalement. Alors appelle-la et demande-lui où elle est. Et dis-lui de ne pas revenir tout de suite, mais de se cacher.

Le professeur allait passer d'une minute à l'autre, il ne devait pas voir l'Eeluts et encore moins nous repérer parce que l'Eeluts en question entrait dans la chambre. Car si cela venait à se passer, le professeur ouvrirait surement la porte, pour vérifier que l'occupant (Myllénium) dormait et alors il me verrait...
Si Stiming restait cachée le temps qu'il passe, alors nous aurions une chance déjà beaucoup plus grosse de ne pas nous faire repérer !
Je souffla : il fallait garder son sang-froid. Diana ! J'étais Diana Luyen bon sang ! La fille qui manipulait les autres en s'inquiétant très rarement. La fille qui gardait son sang-froid !
Soufflant une deuxième fois pour arrêter ma petite colère, je regarda Myllénium...

Stiming était devant la porte. Alors là, c'était la meilleure. Ouvrir la porte, ou la laisser dehors. Dans les deux cas, on risquait fortement de se faire prendre.

- Ou alors...

Soudain, une idée me vint :

<< Gerbay, transforme toi en insecte, enfin, la plus petite chose en laquelle tu peux te transformer. >>

Le papillon de nuit qui volait au-dessus de mon épaule (donc Gerbay) disparu d'un seul coup. Je baissa la tête : une minuscule araignée était posée au même endroit que le papillon.

<< Bien. Maintenant, passe sous la porte et essaie de voir où est le professeur. Fais vite ! Et... Ne te fais pas écraser... >>

Cette fois-ci, les rôles s'inversaient. Gerbay était partant, il n'avait pas peur, il était... courageux et moi, j'étais inquiète. Il y avait maintenant nos deux Eeluts dehors.
Ensuite, je me tourna vers Myllénium :

- J'ai envoyé Gerbay voir où était le professeur. Quoi "ou alors" ?

Pour la première fois de ma vie, j'étais réellement inquiète et peureuse. Pourtant, je n'avais pas de raisons. Il aurait suffit que Stiming se cache quelque part et que nous attendions que le professeur passe ! Mais non, j'étais réellement inquiète pour nos Eeluts et pour le fait de se faire prendre.
Entre cette nuit blanche, Lana qui défiait toutes les règles pour venir me voir et les surveillants qui l'autorisaient, mes cours particuliers et secrets avec Léandre Black, rien n'allait plus... Peut-être devrais-je lui en parler au Scientifique ?
Je secoua la tête : ça n'était pas le moment de penser à tout ça.

Je failli me jeter sur Myllénium.

Son Eeluts pouvait arrêter le temps ! Pourquoi ne l'avait-il pas déjà fait ? Maintenant, nos deux Eeluts sont dehors !
J'essaie de me calmer : cette nuit est forte en émotions, c'est vraiment très rare que je m'énerve autant et en si peu de temps ! Soudain, on frappe à la porte. Myllénium me souffle de ne plus faire de bruits. C'est ce que je comptais faire de toutes manières !
C'est le professeur. A coups sûrs. Mon regard, affolé, balaye la pièce. Qu'allons-nous faire ? Soudain, une idée me vint. Je m'approche le plus silencieusement de mon amie et lui glisse à l'oreille, tout doucement :

- Je vais me cacher. Pendant ce temps, prends une mine ensommeillée, comme si tu venais de te réveiller et va ouvrir. Comme si de rien n'était : je ne suis pas là.

N'attendant pas sa réponse, je me faufile dans son armoire, côté penderie. J'écarte les vêtements suspendus à des tringles et referme la porte sur moi-même laissant une petite ouverture et espérant que mon plan marcherait.
Je n'avais jamais fait ça auparavant, je n'avais jamais enfreins les règles comme cela. C'est plutôt excitant. Mais il faut quand même faire attention à ne pas se faire prendre. Je chasse ces idées de mon esprit : il ne fallait pas que j'y prenne goût.

Je pouffa de rire en voyant la tête que Myllénium faisait. Elle était plutôt douée pour le théâtre !
J'essayais de me retenir : il ne fallait pas que je fasse trop de bruit ! Et si j'en faisais trop, je n'entendrais pas la discussion entre le professeur et Myllénium :

- Oui , c'est pourquoi ?

- Bonjour , j'ai entendu du bruit venant de ta chambre , et en arrivant jusque ici , j'ai vu que la porte de la chambre d'a cote etait ouverte , pourrait-tu m'expliquer ce qu'il y a ?! l'interrogea l'homme.

Qu'allait-elle répondre ?! Elle pouvait toujours dire qu'elle avait fait un cauchemar. Mais concernant la porte de ma chambre ouverte... Je ne voyais pas ce qu'elle pouvait bien dire...
J'entendis des pas dans la chambre : que se passait-il ?! Le professeur partait ? Ou entrait ? Alors que je priais pour qu'il parte (il faut dire qu'une armoire n'est pas si confortable que ça peut paraitre), ils continuèrent à parler...

Horreur.

Le professeur était rentré dans la chambre ! Et Myllénium devait lui donner une réponse plausible et qui tienne la route ! Je l'entendis breffouiller :

- Je suis .. comment dire .. somnambule ., je m'excuse si j'ai fait du bruit .. Ce n'était pas mon intention .. mais je peux rien n'y changer... Je m'excuse mais .. Ce sera bientôt l'heure de se lever .. et j'aimerais bien aller me recoucher.. Car demain je vais avoir une journée chargée.

Je ne perçus pas la réponse de l'homme. En tout cas il n'avait pas l'air choqué ou surpris.
Le coeur haletant, j'essayais d'entendre plus que ce que je ne percevais déjà : qu'est-ce qu'il se passait ? Le professeur avait fait quelques pas et... et maintenant ? Il n'était pas parti. C'était certain. Sinon Myllé' serait venue me chercher !

Je n'avais jamais vu ça ! Un professeur qui rentrait dans une chambre comme ça, au beau milieu de la nuit, sous prétexte qu'il a entendu du bruit et que la pièce d'à côté est ouverte ! D'ailleurs, je ne l'ai jamais vu : un nouveau ? Mais il avait l'air sûr de lui. Trop sûr de lui pour un nouveau. Bizarre...

Soudain, je ne pu plus résister : j'aspirais un bon coup, le plus silencieusement possible. J'espérais que l'homme n'avait rien entendu. J'avais besoin de respirer tout de même et j'avais fait cela doucement.

Enfin !

Il y eut des murmures. Ou peut-être que ça n'étaient pas des murmures, mais je n'entendais rien. Puis, Myllénium (je me doutais que c'était elle) cria un "Au revoir !" et je supposa que le professeur était donc parti de la chambre. N'osant pas bouger, j'attendis que la jeune fille m'ouvre, ce qu'elle fit quelques secondes après :

- Fais pas trop chaud dans l'armoire ?Parle pas trop fort , on sait jamais si ce fou est toujours derrière la porte ..

Elle se retenait de rire. Moi aussi. Enfin, au fond de moi. La tête qu'elle avait fait était vraiment très amusante, mais nous ne pouvions pas nous permettre de perdre du temps en riant. Stiming et Gerbay étaient encore dehors.
Gerbay ! Et s'il s'était fait écrasé !? Je n'avais même pas pensé à lui pendant tout le temps où j'étais enfermé dans l'armoire ! Quelle égoïste je faisais ! Me plaindre d'être enfermé dans un placard, alors que Gerbay était dans le couloir, risquant de se faire écraser à tous moments ! Mais il avait surement eu l'intelligence de se transformer en oiseau, ou en un autre animal qui ne se ferait pas écrabouiller.

<< Gerbay, toujours vivant ? >>

<< Oui oui. Vous pouvez ouvrir, le professeur a tourné à l'angle, moi et Stiming sommes hors de sa vue. >>

Je soupira de soulagement. Dieu merci !
Ses pensées voulaient aussi dire que mon Eeluts avait retrouvé Stiming. Parfait. Je me dirigea vers la porte et l'ouvrit. Comme je le pensais, Gerbay s'était transformé en animal volant. Précisément une chauve-souris. Il se posa sur mon épaule et fut aussitôt suivi de l'Eeluts de Myllé', qui courut vers elle.

Encore vous !?

Myllénium m'indiqua la porte. Oups, j'avais oublié de la refermer tellement j'étais en joie d'avoir retrouver mon Eeluts. Certes, il ne s'était pas absenté très longtemps, contrairement à Stiming, c'était donc Myllé' qui avait le plus souffert. Celle-ci se dirigea vers l'entrée de sa chambre et referma le battant.
La porte fermée, je me sentais plus en sécurité. C'était une chose que j'avais "adopté" depuis toute petite. D'autres personnes la préféraient ouverte... Drôle de sécurité tout de même.

- Diana , sans regarder le reveil , tu pense qu'il est quelle heure ?

Bonne question. A tout cassé, je pensais à...
On frappa à la porte. Mais on n'allait pas nous laisser tranquille !? Bon, d'accord, l'heure du levé approchait, mais on ne venait jamais réveillé les élèves directement. C'était une sonnerie, un réveil "global" qui s'en chargeait !

Ne réfléchissant pas, je me dirigea une fois de plus vers l'armoire, indiquant à Gerbay de me suivre. Je m'y enferma et pour plus de sureté, ne laissa pas d'espace. Myllénium n'était pas obligée de faire l'endormie, puisque la venue du professeur était censée l'avoir réveillée, mais elle allait à tous les coups me faire rire.
A peine le placard clos, une pensée de Gerbay retentit dans mon esprit :

<< J'étouffe. >>

<< Tiens bon. Ca ne devrait pas durer très longtemps. Enfin... j'espère...

Je tombais presque de fatigue. J'avais envie de profiter des quelques minutes qui me restaient pour pouvoir dormir et avoir un minimum de forces pour la journée qui s'annoncerait longue. Et cette personne qui venait encore nous embêter me faisait perdre du temps.

Histoire de mallette... et de dodo !

Le professeur resta dans la pièce pendant quelques minutes. Minutes durant lesquels Myllénium ne manqua pas de s'énerver parce qu'il avait "oublié sa mallette". Pour moi, c'était une bonne excuse, même si être dérangé deux fois en aussi peu de temps était très désagréable. Myllénium avait eu de la chance de tomber sur un professeur sympathique. Car il aurait très bien pu la sanctionner. Elle lui avait quand même gueuler dessus et menacer d'appeler un surveillant. Comme si c'était elle qui était en supériorité par rapport à l'homme et lui en minorité.
Ouvrant la porte de l'armoire, j'en sortis enfin. Moi non plus, je n'étais pas prête de revenir dans ce placard.

- Je vais dormir. A demain. Peut-être.

N'attendant pas sa réponse, je me dirigea vers la porte comme un zombi, l'ouvrit, ne prenant même pas garde de vérifier s'il n'y avait personne en vue et sortit. La porte de ma chambre était fermée. Certainement le professeur qui n'avait pas pu s'en empêcher... J'entrais et m'affala sur le lit. Quelques secondes plus tard je dormais.
Enfin.

Je fus réveillée par un bruit strident qui me faisait mal aux oreilles. La sonnerie du réveil du Centre. Il était donc 7h00 du matin. Je n'avais pas beaucoup dormi et j'en avais encore envie, mais il fallait bien se lever. C'était rare que je sois réveillée par le réveil et non de moi-même.

*quelques minutes plus tard*

Je sortais de ma chambre et vis que celle de Myllénium était fermée. Peut-être dormait-elle encore ? Ou alors, elle était déjà partie prendre son petit déjeuner. J'allais justement à la cantine. Bondée contrairement aux matins où j'étais la première.
Certains remarquèrent mes cernes et mon retard inhabituel. Diana Luyen en retard. Diana Luyen avec des cernes. Ça ne s'était plus vu depuis un bout de temps. Moi par contre, je ne croisa pas Myllénium. J'essayais d'attendre dans la grande salle, en regardant la porte dans l'espoir qu'elle entrerait mais non. Aucune fille aux cheveux noirs et très courts ne franchissait la porte. Je dû bientôt partir, forcée par moi-même et par les surveillants (eux aussi très étonnés de me voir encore là à cette heure).
Et la journée se passa sans que je ne croise une seule fois Myllénium.

Spoiler: