18h40.

Je sortais de mon entrainement d'armes. Juste le temps de prendre une douche et d'enfiler un pantalon avec un petit pull, donc, avant de me rendre à la mission que m'ont confiés les surveillants : ils m'ont averti d'un regroupement et comme ils me font encore confiance, ils m'ont autorisé, ou plutôt dis d'aller vérifier ce qu'il se passait.
Je sors donc du Lycée et me dirige vers la ville. Mais une fois arrivée au centre-ville, je ne vois personne. Soit les jeunes ont été averti que quelqu'un les surveillerait ce soir-là, soit les surveillants avaient reçu une fausse information. Une blague de collégiens certainement.

Pour retourner à ma chambre, je passe à côté de la Patinoire. Fermée dès 17h30 aujourd'hui, personne n'était sensé y être. Et pourtant, je distinguais une forme qui patinait. En m'approchant, je m'aperçus que c'était une fille. Un grand bruit retentit, je baissa les yeux : j'avais marché sur une canette. Qu'est-ce que ça faisait là, ça ?! Ça n'était pas sensé être ici ! Quoiqu'il en soit, la fille sursauta et tomba sur la glace gelée lorsqu'elle entendit le bruit.
Je me dirigea vers des patins, rangés dans une armoire extérieur. Je les chaussa, ouvrit le portillon de la patinoire et glissa jusqu'à la jeune fille. D'un beau dérapage bien réussi, je m'arrêta près d'elle :

- Rien de cassé ?

Ma voix était gentille, douce, pas du tout agressive. Bref, le genre de voix que j'utilise pour duper les gens.
Cette chevelure me rappelait quelqu'un... Mais qui ? Pour le savoir, je lui tendis ma main, pour qu'elle se relève.

Spoiler:

Avril. C'était bien elle. La fille que j'avais rencontré à la salle d'entrainement. La fille qui n'était pas une Spéciale et qui pourtant était entrée. Et surtout la fille qui avait suspendu un professeur la tête en bas en proclamant des injures envers le Centre. Et puis, la fille grâce à qui j'avais rencontré Léandre.
Que faisait-elle là ? N'était-elle pas... punie ? Enfermée ? Battue ? Que sais-je encore ?

- Oui Avril, c'est moi. Diana.

Ma voix n'était pas soupçonneuse, déçue ou encore malicieuse. Non. Juste la voix que prennent deux vieilles amies qui se retrouvent. Avril avait changé ma façon de penser. Oh, pas énormément, non. Mais juste assez pour que elle, Léandre et Lana me changent. Je savais que je n'étais plus la même depuis que je les avais rencontré tous les trois. Bien sûr, j'étais toujours avec le Centre, à lui rendre de petits services, à... me comporter comme une alliée. Mais en vérité, je préparais un sacré coup avec Black. Un coup qui n'allait pas remettre sur pieds Intensive Training. Sauf si nous le faisions. Et dans ce cas-là, il serait totalement changé lui aussi.

- Que fais-tu là ? Seule et à cette heure du soir ? dis-je en patinant autour de la jeune fille.

Gerbay, transformé en pingouin, me suivait en glissant sur le ventre d'une facilité déconcertante. Il faut dire que mon Eeluts n'a pas pour habitude de se transformer en pingouin et de s'essayer à l'art de glisser sur le ventre. Je me retenais de pouffer, la situation - bien que je ne le montrais pas à Avril - était sérieuse. Avril pouvait très bien être sur la glace à attendre des gens. Et le regroupement dont on m'avait parlé aurait en fait lieu à la patinoire.

Je m'arrêta. Elle avait désobéi. Ça sautait aux yeux. Le Centre ne l'aurait jamais laissée aller à la patinoire, seule, après la fermeture. Il n'y avait pas d'exception pour elle (comme pour moi) et donc elle aurait dû être enfermée je ne sais où. Et elle trouvait ça drôle. Après tout, pourquoi pas. Je n'allais pas prendre part à son petit jeu, mais je comptais bien avoir des informations concernant le soit-disant regroupement, dont elle faisait peut-être partie. Ça ne m’étonnerait pas, vu les propos qu'elle avait tenu à mon intention et à celle du professeur dans la Salle d'Entrainement.

- Dis-moi Avril, aurais-tu entendu parler d'un rendez-vous à la ville ou, à la patinoire ? je demande en m'arrêtant de patiner.

Gerbay aussi a compris l'importance de la situation. Sa petite plaisanterie a fait rire la jeune fille, mais maintenant il n'est plus question de glousser. Il s'arrêta et il reprit sa forme habituelle : celle d'un tamia. Il fallait que je sache, avant l'heure du dîner, si ce regroupement n'était qu'une tromperie ou non.

La nuit était tombée et je ne voyais Avril que grâce aux les lumières qui éclairaient la glace. Par endroits, son visage était ombragés, faisant une ambiance étrange entre nous deux...

Elle se fout de moi. Purement et simplement. Avril veux rigoler, hein ?
Je reprends enfin mes talents de manipulatrice, froide et méchante au visage qui vous rassure. J'adore ça.

- Avril... je m'approche d'elle et lui caresse le visage doucement, puis je plonge mes yeux dans les siens et je lui dis d'une voix mielleuse : Quel joli petit minois. Tu as de la chance que le Centre l'ait préservé ; eux aussi doivent penser qu'un si joli visage ne peut être gâcher par les coups.

Les punitions viendraient, après, je peux faire confiance au Centre. Et à ce moment-là, elles frapperaient. Fort. Très fort. Et elle alors avouera.
Un éclair illumine le ciel noir de la nuit et l'orage gronde. Parfait. L'ambiance est parfaite.

J'incline la tête sur le côté et affiche un petit sourire pendant que je remets une de ses mèches blondes derrière son oreille. Si le Centre ne peut pas le faire, alors je le ferais. Ma main glisse délicatement le long de son bras et avant qu'elle ne puisse faire quoique ce soit, je saisis son poignet. C'est parti.

Spoiler:

Juste par un hurlement. Elle avait cédé. Un sourire s'affiche sur mon visage. Mon amie Avril allait bien parler maintenant, non ? Je répète ma question d'une voix claire et haute en détachant bien chaque mots :

- Je t'ai demandé : as-tu entendu parler d'un rendez-vous à la ville ou, à la patinoire ?

Impossible qu'elle n'en fasse pas parti. Le soir du regroupement, elle sort de son emprisonnement pour venir à la patinoire, proche de la ville. Bizarre. Trop pour que ce soit un hasard.
Les éléments se déchainent derrière moi : l'orage vibrent entre les nuages noirs et de la pluie s'en échappe. Glacée. Elle coule sur nos corps peu couverts, sur nos patins dans lesquels luisent les éclairs.
Et je comprends : le pouvoir d'Avril est de maitriser les éléments. Léandre et moi avons finalement des chances de pouvoir contrôler Intensive Training. Ce serait si facile.

Son hurlement de douleur se transforme peu à peu en cri de rage. Elle est certainement en colère contre moi, ça se comprend, mais elle ne pourra rien me faire. Ma pression est trop forte pour une si fragile petite fille. Et mes pensées sont aussitôt confirmées lorsqu'elle tombe à terre, impuissante face à mon don qui est si grand par rapport à elle.

Assez ! Je repousse Avril d'un coup de main. Elle en a eu assez, cette petite peste ne me dira rien d'autre. Et puis elle a assez souffert comme ça, je n'étais pas sensée lui faire ça.

Je lui jette un regard empli de haine, bien que je n'éprouve que la moitié des sentiments que j'affiche. L'informateur a raconté n'importe quoi aux surveillants, ou alors ceux qui devaient se rejoindre à la Ville ont su que j'allais y assisté et le rendez vous a été annulé. Si Avril en fait parti, je n'en sais rien, mais si c'est oui, et bien elle a mal été informée.

Je me retourne et pars en courant vers la cantine. Un brouhaha infernal me parvient jusqu'aux oreilles et lorsque j'entre, je constate qu'il est 19 h 10, déjà. Je suis en retard, mais peu importe, j'ai fais ce que je voulais. Je prends un plateau et m'installe à une table, avec des amis, la faim me tenaillant le ventre. Torturé une personne, ça donne faim.

Avril aura-t-elle la force de se trainer jusqu'à l'infirmerie ? Ou devra-t-elle attendre le lendemain matin qu'on la trouve sur le sol gelé de la Patinoire ? Dans les deux cas, on saura qu'elle a désobéi et s'est enfuie. Elle va passer un autre sale quart d'heure. Décidément, mieux vaut rester sage et faire ce que l'on vous dit.

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